La réalité mise à nu

Film : Drogba est mort  Moussa Diara, Eric Rivot Mali / 2009 / Fiction / 9’   Le corps du petit mendiant gît sans vie sur l’asphalte. Mais comment se fait-il qu’il soit mort, lui le héros du film, lui, le « roi du stade » ? Dans l’œuvre de Moussa Diarra et d’Eric Rivot il n’y a pas de place pour la rêverie. Celui qui ose rêver est un homme mort. Il convient donc de garder les yeux grands ouverts pour faire face à la réalité.   La réalité de Drogba est mort c’est la pauvreté incarnée par les petits mendiants âgés d’à peine 10 ans qui errent dans les rues du Sénégal, c’est le dépotoir qui se transforme en terrain de jeu, c’est l’adulte affublé du titre de « marabout » mais qui n’est en fait que le maître des enfants qu’ils transforment en esclaves. La réalité du film, c’est aussi par extension, ces milliers de jeunes sénégalais qui chaque année tentent de fuir leur misère en s’embarquant sur des bateaux clandestins à destination d’un pays où ils espèrent, à l’image de cet autre africain, Didier Drogba, connaître la gloire. Mais pour bon nombre ce n’est pas la réussite qui les attend mais la mort durant la traversée.   Tout comme dans la vie des Sénégalais, la sauce tomate est omniprésente dans le film. Elle est tantôt vue sous forme de boîte de conserve vide accrochée aux épaules des jeunes mendiants, tantôt dans le plat commun où chacun puise avec avidité sa part de nourriture. La petite note à la fin du film rapportant le nombre de tonnes de boîtes de concentré de tomates à avoir traversé la Méditerranée ainsi que l’arrêt sur image de la boîte de conserve vide de la marque « Salsa » (une marque italienne) est un cri du cœur contre cette tendance du Sénégalais à toujours trouver la terre étrangère bien meilleure que son propre pays.   L’import qui prend de l’ampleur et l’exil en masse signe du même coup la mort de l’industrie locale. La menace qui semble guetter les Sénégalais osant rêver d’ailleurs est symbolisée à l’écran par le vieil homme en noir. Borgne, il voit la vie d’un seul œil. Il ne dira pas une parole, sa seule présence est terrifiante. Il attend tout simplement son heure pour frapper.   Christine Turenne   Île Courts 2010 Atelier critique de cinéma animé par Jacques Kermabon 6>10 octobre 2010

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